SANTIAGO, Chili - Le gouvernement du Chili a rejeté un projet de 8 milliards $ US pour construire des barrages sur deux rivières de Patagonie afin de répondre à une demande énergétique croissante, offrant ainsi une victoire aux environnementalistes qui ont salué le jugement de mardi comme un moment charnière.
Une commission ministérielle a fermé la porte au projet HidroAysen, qui aurait entraîné l'enchâssement de deux des plus importantes rivières sauvages de la planète, ainsi que la construction de plus de 1600 kilomètres de lignes de transmission pour alimenter le centre du pays.
Après une rencontre de trois heures, les ministres chiliens de l'Agriculture, de l'Énergie, des Mines, de l'Économie et de la Santé ont voté à l'unanimité pour rejeter le projet. Le comité a «décidé de se ranger du côté des plaintes présentées par la communauté», a indiqué le ministre de l'Environnement, Pablo Badenier, à des journalistes.
Le projet incluait la construction de cinq barrages sur les rivières Baker et Pascua en Aysen, une région majoritairement dénuée de routes, dans le sud de la Patagonie, où la pluie est pratiquement constante, et où les rivières coulent des glaciers des Andes vers l'océan Pacifique à travers une série de fjords et de vallées luxuriantes.
Selon Patricio Rodrigo, secrétaire exécutif du Conseil de défense de la Patagonie, la décision «est le plus grand triomphe du mouvement environnemental au Chili». Elle «marque un point tournant, où une population disposant de plus de pouvoirs réclame d'être entendue et de participer aux décisions qui affectent l'environnement et la vie.»
Le Chili manque d'énergie, mais la plupart des citoyens se sont opposés au projet, et les manifestations ont parfois été violentes.
Alors que son industrie minière — énergivore — réclame plus de puissance énergétique, des experts affirment que le Chili doit tripler, en 15 ans seulement, sa capacité actuelle de 16 000 mégawatts, même si le pays ne possède pas de pétrole ou de gaz naturel. Les barrages devaient générer un total de 2750 mégawatts d'ici 12 ans, soit environ le tiers de la demande actuelle.
Avant d'être élue l'an dernier, la présidente Michelle Bachelet s'était opposée au projet. Elle a annoncé le mois dernier qu'elle s'attaquerait plutôt à la crise en se concentrant sur les énergies de remplacement et en construisant des terminaux pour du gaz naturel liquéfié.
Le promoteur du projet rejeté peut porter la décision en appel devant une cour environnementale, et les analystes s'attendent à une longue bataille juridique.